Lors de son intervention sur le Forum des Ingrédients Bio à Natexpo Lyon 2022, Eva Coudray de l'association Bio en Hauts-de-France présentait les avancées du projet de sucre de betterave bio et local alternatif. Retrouvez aussi le replay de la conférence en fin d'article. |
Depuis 2016, des producteurs de betteraves sucrières bio accompagnés par Bio en Hauts-de-France ont enclenché la création d’une filière sucre alternative qui s’attache à démontrer la nécessité de réinventer de nouveaux modèles économiques capables de répondre aux enjeux sociaux, écologiques, économiques et agronomiques.
Au démarrage du projet, en 2016, la filière de valorisation de la betterave bio était inexistante en région Hauts-de-France, malgré un intérêt pour déverrouiller et faciliter les conversions 100% bio ainsi que pour diversifier les assolements. De plus, les transformateurs régionaux bio étaient à la recherche d’un sucre bio local. Pour répondre aux enjeux d’une filière territorialisée, le postulat initial en région était alors :
- Le process des sucreries est surdimensionné, complexe et peu polyvalent.
- Le modèle économique et logistique doit être réinventé.
Depuis, la majorité des groupes sucriers se sont positionnés sur la filière de betterave sucrière bio[1]. Cependant, il semble cohérent de repenser le modèle économique de cette filière pour construire un outil de transformation de taille intermédiaire, polyvalent, avec un process simplifié peu énergivore, qui permette à long terme un maillage du territoire et une rémunération juste des producteurs.
Le pari osé devient réalité, après le lancement d’un premier sirop de sucre en 2021, le premier sucre complet de betterave bio 100% fabriqué en Hauts-de-France verra le jour en 2024. Pour concrétiser ce projet régional, la coopérative « La FABrique à sucres » avec une gouvernance partagée est née cette année.
PREMIÈRE ÉTAPE : Produire de la betterave sucrière bio en Hauts-de-France
Oui, mais à quel prix ?
Dans un premier temps, il était nécessaire de récolter des données technico-économiques sur la production de betteraves en fonction des itinéraires techniques.
L’ensemble de ces éléments a permis de définir qu’en dessous de 100€/T, la betterave sucrière bio ne pouvait pas trouver de valorisation juste pour les producteurs.
DEUXIÈME ÉTAPE : Produire du sucre bio en Hauts-de-France
Un sucre liquide : le sirop de betterave
Le sirop de betterave est l’aboutissement de la réflexion visant à trouver un schéma de transformation plus simple, moins énergivore et conservant les valeurs nutritionnelles de la matière première.
Produit culturellement réputé en Allemagne, celui-ci est très peu connu sur le marché français. C’est pourquoi, des tests de commercialisation sont effectués depuis 2018 pour valider le débouché français pour ce sirop sucrant innovant.
En 2021, ce sont donc 16T de sirop de betteraves bio qui ont été commercialisées à plus d’une trentaine de partenaires ainsi qu’une vingtaine d’entreprises en test pour de nouvelles recettes. En testant ce sirop, les entreprises s’engagent dans une aventure collective pour démontrer la nécessité de réinventer le modèle économique des filières agricoles !
Pour le moment, il a conquis le domaine des sauces, de la distillerie, des granolas et muesli ainsi que la brasserie. Son utilisation pionnière dans le pain d’épice de France Cake tradition lui a value le Trophée de l’excellence BIO en 2020[2].
Le sirop présente des atouts nutritionnels par sa diversité en sucres et la présence de minéraux et oligo-éléments (ex : potassium). De plus, il possède de nombreuses propriétés technologiques : il évite le dessèchement précoce des pâtes, il apporte du moelleux et se présente comme un colorant naturel.
Pour finir, celui-ci est une bonne alternative aux sirops de sucres, et une alternative française aux sirops de riz, coco, agave et canne.
Un sucre en poudre : Et pourquoi pas ?
Pour aller plus loin dans la réflexion, depuis 2020, une phase de recherche et développement est menée dans l’objectif de proposer, à terme, un sucre de betterave complet en poudre dans la lignée des valeurs inculquées pour le sirop.
Pour cela, de nombreux experts ont été consultés permettant de confirmer la possibilité de produire ce sucre innovant, à partir de betteraves bio.
En 2021, des essais à échelle laboratoire ont permis de valider un process correspondant aux attentes du projet. Cet été 2022, la construction d’une ligne pilote a permis de valider son industrialisation à l’échelle d’un outil intermédiaire.
De plus, une analyse sensorielle sur un panel de 100 consommateurs a permis de confirmer l’intérêt pour un sucre non raffiné, bio et local, avec des atouts nutritionnels.
La fiche technique du sucre est disponible sur demande. Celui-ci dans la continuité du sirop, est un sucre complet, coloré, avec une texture humide similaire à un sucre de canne Rapadura.
Il sera disponible à la vente lors de la mise en route de l’outil de production en septembre 2024. Cependant, il est déjà possible de réaliser des tests R&D en amont, sur des quantités limitées, pour élaborer de délicieuses recettes.
TROISIÈME ÉTAPE : Un outil pour une gouvernance partagée entre amont et aval
En mai 2022, 14 partenaires se sont engagés et donc lancés dans l’aventure de la gouvernance partagée d’une SAS coopérative autour de ce projet sucrier alternatif : 6 producteurs de betteraves, 7 acteurs de l’aval et 1 partenaire. Celle-ci portera les activités d’achat des betteraves, de transformation et de commercialisation des sirop et sucre de betterave.
La SAS coopérative « La FABrique à sucres » réunira 3 collèges :
- Collège A, celui des producteurs de betteraves (51% des voix) ;
- Collège B, celui des utilisateurs de sucre
- Collège C, celui des partenaires, soutiens et investisseurs.
L’émergence de la micro-sucrerie est prévue, au plus tôt, pour la campagne 2024. Son implantation est prévue entre Arras, Cambrai, Douai et Lens. Son dimensionnement est de 400ha à terme, soit une production annuelle de 3 000 T de sucre.
Quel rôle des IAA dans la filière ?
La construction de la filière est en cours, et la nouvelle coopérative a besoin de toutes les forces vives notamment celles des entreprises agroalimentaires de l’aval, que ce soit pour :
- S’engager à contractualiser sur des achats de sucre
- Faire des tests R&D et des retours qualitatifs sur les sucres
- S’investir dans la SAS coopérative en tant que partenaire du Collège B
- S’investir dans la SAS coopérative en tant que partenaire du Collège C
Pour en savoir plus : « La fABrique à sucres » : d’un pari osé à l’émergence d’une micro-sucrerie inédite
Replay de la conférence 'Créer de la valeur ajoutée par des filières locales bio : illustrations avec la filière sucre' avec Eva Coudray, Bio en Hauts-de- France.
[1] Les nouvelles filières de betterave à sucre bio françaises, Ingrébio, 11/03/2019
[2] Un premier succès pour la filière sucre de betterave bio portée par Bio en Hauts-de-France, Ingrébio, 06/03/2020