Amidons biologiques : Quelles possibilités pour la texture des produits bio ?

amidon maïs blé pomme de terre

 

Avec la forte croissance du marché bio, les produits transformés continuent à se développer et on observe une augmentation de la demande en produits alternatifs (vegan), “sans” (allergènes), sains (moins gras, moins sucrés…). La formulation de ces produits innovants nécessite la mise en place de solutions fonctionnelles capables de combler les manques en terme de caractéristiques organoleptiques.

amidon maïs bio biscuits bio

Amidon de maïs bio dans la liste d’ingrédients de biscuits bio – ©Ingrébio

Avec des propriétés épaississantes, gélifiantes, liantes ou stabilisantes, les amidons font notamment partie de ces solutions. Grâce à leur réaction avec les molécules d’eau, ils modifient la rhéologie du milieu aqueux dans lequel ils sont ajoutés et permettent ainsi de texturer les produits. Les applications en alimentaire sont donc nombreuses : crèmes, sauces, gâteaux, produits traiteurs, produits laitiers, boulangerie…

L’amidon, glucide de réserve des végétaux supérieurs, est présent en abondance dans la nature. Il est stocké dans les graines (céréales, légumineuses), les racines, les tubercules (pomme de terre), les rhizomes (manioc) ou même les fruits (banane).

Le terme amidon est généralement réservé aux céréales tandis qu’on parle plutôt de fécule dans le cas des tubercules ou des rhizomes.

Les amidons employés tels quels après leur extraction sont appelés amidons natifs. Ces derniers sont parfois modifiés physiquement ou chimiquement afin d’améliorer leurs propriétés fonctionnelles et de les adapter aux contraintes technologiques des procédés de fabrication des produits. D’un point de vue réglementaire, seuls les amidons natifs et les amidons modifiés physiquement sont autorisés en bio. Considérés comme ingrédients d’origine agricole, ils doivent aussi être certifiés bio pour pouvoir être utilisés lors de la transformation des denrées alimentaires biologiques. A l’exception des amidons de riz et de maïs cireux qui figurent dans la liste des ingrédients non biologiques d’origine agricole autorisés (Annexe IX du Règlement (CE) N° 889/2008). En revanche, les amidons modifiés chimiquement sont considérés comme des additifs et sont interdits (Annexe VIII du Règlement (CE) N° 889/2008).

Mais la limitation réglementaire n’est pas la seule contrainte à l’utilisation des amidons dans les produits bio. Comme tous les ingrédients agricoles biologiques, le secteur des amidons est confronté aux difficultés de l’équation offre-demande. Avec une demande croissante et des conditions climatiques en 2016 particulièrement mauvaises en Europe, certaines matières premières vont manquer. C’est le cas de la pomme de terre qui a subi une très mauvaise récolte en 2016 et dont on constate aujourd’hui l’impact sur le marché de la fécule de pomme de terre bio,… en pénurie totale.

 

Dans ce dossier sur le rôle des amidons dans la texture des produits biologiques transformés, nous essaierons de répondre aux questions suivantes :

  • D’où viennent les amidons biologiques et comment sont-ils obtenus ?
  • Quelles sont leurs fonctionnalités technologiques ?
  • Quels sont les amidons les plus utilisés en bio et dans quelles applications ?
  • L’offre disponible répond-elle aux besoins technologiques des transformateurs bio ?

 

Auteur : Juliane L’Hermet

Un dossier préparé par Florent Sicot, Noémie Chesneau, Carlos Garcia et Madeleine Léger-Ripoll, étudiants en Master 2 ALIM à l’Université de Rennes 1 & Agrocampus Ouest


I- De la matière première végétale à l’amidon bio

plants manioc

 

 

 

 

L’amidon, glucide de réserve des végétaux

L’amidon est un glucide complexe composé de molécules de glucose (polysaccharide), synthétisé par les plantes afin de stocker le glucose produit lors de la photosynthèse. Il se présente sous la forme de granules microscopiques et insolubles dans l’eau froide, dont la taille (3 – 100 µm) et la forme varient en fonction de l’origine végétale[1]. Chaque plante organise et structure ses polymères de glucose de manière différente. On trouve de l’amidon en particulier dans le maïs, le blé, le riz, les légumes secs, la pomme de terre, le manioc (également appelé tapioca), la patate douce ou encore la banane. Il représente par exemple 70 à 75% de la matière sèche pour le maïs et le blé, 75% pour la pomme de terre et 90% pour le riz et le manioc. Dans le monde, on extrait actuellement l’amidon de plus de 50 plantes différentes.

 

Composition : l’amylose et l’amylopectine

L’amidon est composé de deux macromolécules, l’amylose et l’amylopectine, dont le ratio varie en fonction de l’origine végétale. Dans la plupart des cas, il s’agit en moyenne de 15 à 30% d’amylose et 70 à 85% d’amylopectine[2]. Ensemble, elles forment une structure cristalline stable sous forme d’un granule d’amidon.

Caractéristiques amidons fécules

L’amylose est une molécule linéaire composée de 600 à 6000 unités de D-glucose liées par des liaisons de type ? (1,4). Elle possède une structure hélicoïdale avec des propriétés hydrophiles externes et qui forme une cavité intérieure hydrophobe. Cette structure particulière dans l’espace est notamment liée au phénomène de rétrogradation de l’amidon.

Structure chimique amylose et amylopectineL’amylopectine est composée d’une chaîne linéaire de glucoses reliés en ? (1,4) sur laquelle sont ramifiées, par des liaisons ? (1,6), de multiples courtes chaînes d’unités glucose afin de former une molécule arborescente. Au total, elle peut réunir entre 10 000 et 100 000 unités de glucose. L’ensemble des chaînes courtes, sous forme de doubles hélices, reliées à une même chaîne longue, forme une structure en “grappe”. Ceci confère au grain d’amidon une organisation semi-cristalline, en lien avec ses propriétés de gélatinisation[3].

 

Les grains d’amidon contiennent également des composants mineurs : protéines, lipides et minéraux, dont la teneur varie en fonction de l’origine végétale et du procédé d’extraction.

 

Procédés d’obtention

Les procédés d’obtention de l’amidon sont spécifiques à chaque végétal, nous ne décrirons donc ci-dessous que les principales étapes de fabrication pour les matières premières les plus courantes.

La première étape est la séparation des différents constituants de la plante, basée sur leurs différences de densité : l’amidon, les protéines, l’enveloppe cellulosique, les fractions solubles et le germe. On utilise pour cela des techniques simples de séparation physique comme le broyage, le tamisage, la centrifugation…

En Europe, l’amidon est principalement issu du maïs, du blé et de la pomme de terre. L’amidon de maïs et la fécule de pomme de terre sont extraits par un procédé dit “par voie humide” alors que le blé s’obtient “par voie sèche”.

Le procédé d’obtention est le même dans le cas des amidons bio, la seule différence résidant dans la matière première qui doit être issue de l’agriculture biologique. On peut aussi noter l’absence d’utilisation de traitement anti-bactérien ou anti-moussants en bio, ce qui implique des phases de nettoyage plus fréquentes qu’en conventionnel.

Extraction par voie humide de l’amidon de maïs

Les grains de maïs subissent tout d’abord un trempage à contre-courant pendant 50 heures, en présence d’eau chaude et de dioxyde de soufre (SO2). Le rôle du SO2 est de faciliter la diffusion des micro-molécules du grain (acides aminés, saccharides de petites tailles, sels minéraux…) vers le milieu de trempage et d’éviter la prolifération des micro-organismes. Cette action est favorisée par la présence de lactobacilles qui acidifient le milieu en produisant de l’acide lactique et qui contribuent au ramollissement des grains (fermentation lactique).

Une fois gonflés par le trempage, les grains de maïs sont prêts pour la trituration. Ils sont alors broyés, tamisés et centrifugés. Les différences de densité des constituants du grain permettent de séparer et de valoriser l’ensemble des co-produits accompagnant l’amidon : les germes pour l’obtention de l’huile et des tourteaux et les protéines ainsi que les téguments (enveloppe des grains donnant le “Corn Feed”) à destination notamment de l’alimentation animale. La suspension aqueuse d’amidon (lait d’amidon) obtenue à la fin de la trituration sera ensuite séchée et/ou transformée.

Extraction par voie sèche de l’amidon de blé

Les grains de blé sont broyés à sec puis tamisés afin d’éliminer les enveloppes (son) et les germes. La farine ainsi obtenue est presque entièrement composée de gluten et d’amidon. La pâte formée par hydratation de cette farine va ensuite être lavée à l’eau afin de séparer l’amidon du gluten (lixiviation). Comme pour le maïs, le lait d’amidon natif de blé sera ensuite séché et/ou transformé.

Transformations de l’amidon natif

L’amidon ainsi extrait est sous sa forme la plus basique, il peut être soit utilisé tel quel après séchage, c’est l’amidon natif, soit subir des transformations chimiques (“amidon modifié”) ou physiques dans le but d’améliorer ses fonctionnalités.

En bio, seules les transformations physiques sont autorisées. Elles consistent par exemple en des traitements de chaleur – humidité, de pré-cuisson… La modification de structure qui en découle influence le comportement de l’amidon natif, lui attribuant de nouvelles fonctionnalités (solubilité, résistance…) et ouvrant le champ des applications. Les amidons ainsi obtenus sont dits “prégélatinisés”, “précuits” ou encore “fonctionnels”, “clean label” (voir partie II). Ces traitements présentent également l’avantage de ne pas impliquer de déclaration particulière dans la liste d’ingrédients.

 

L’amidon est livré aux industries sous forme de poudre. Les procédés d’hydrolyse de l’amidon permettront quant à eux d’obtenir par exemple des sirops de glucose.

 


[1] Source : Union des Syndicats des Industries des Produits Amylacés et de leurs dérivés (USIPA), 2015.
[2] Bernard Boursier. 2005. Amidons natifs et amidons modifiés alimentaires. Ed. Techniques de l’Ingénieur.
[3] Bernard Boursier. 2005. Amidons natifs et amidons modifiés alimentaires. Ed. Techniques de l’Ingénieur.


II- Comportement de l’amidon dans les produits alimentaires transformés

fécule amidon pomme de terre

 

 

 

 

Un texturant naturel

Les amidons expriment leurs propriétés épaississantes et gélifiantes au contact de l’eau. N’étant pas solubles dans l’eau froide, les amidons natifs nécessitent d’être cuits lors de leur utilisation.

Transformation hydrothermique de l’amidon

Transformation hydrothermique de l'amidonLe chauffage à plus de 60°C d’une suspension aqueuse d’amidon aboutit à la formation d’un empois plus ou moins fluide qui va se raffermir en refroidissant, allant parfois jusqu’au gel. Les caractéristiques de l’empois varient en fonction de l’origine végétale de l’amidon, donc en fonction des teneurs en amylose et amylopectine.

Chauffage de l’amidon : la gélatinisation

Sous l’effet de la chaleur, les liaisons moléculaires se modifient, les grains d’amidon perdent leur structure semi-cristalline et se mettent à gonfler en absorbant l’eau. La viscosité de la solution augmente et atteint son maximum lorsque les grains sont nombreux et très gonflés. Pendant ce gonflement, les molécules d’amylose se solubilisent dans le milieu, contribuant à l’épaississement de l’empois.

Si le chauffage se poursuit, les grains éclatent et se dispersent pour entièrement se solubiliser (au delà de 100°C)[1]. La perte des granules provoque une diminution de la viscosité de l’empois.

Ce gonflement irréversible des granules conduisant à leur solubilisation sous l’effet de la chaleur est appelé gélatinisation ou empesage.

Refroidissement de l’empois : la rétrogradation

Lorsque la température diminue, l’amidon cherche naturellement à retrouver sa structure semi-cristalline, c’est la rétrogradation. Les brins d’amylose se réassocient en double hélice pour former un gel très ferme et compact. Tandis que l’amylopectine, avec ses ramifications, a plus de mal à se réassocier et engendre donc une texture plus liquide et visqueuse. Ces réassociations déplacent les molécules d’eau et provoquent le relargage de l’eau absorbée pendant le chauffage (synérèse). Pour les mêmes raisons que précédemment, la synérèse sera plus rapide et importante avec l’amylose que l’amylopectine.

Comportement des différents amidons

Les différences de ratio amylose/amylopectine des amidons offrent de multiples possibilités d’utilisation.

Un amidon riche en amylose (> 20%), comme les amidons de blé, de maïs ou de pois, permettra la formation :

  • à chaud : d’un empois opaque et de texture courte ;
  • à froid : d’un gel ferme, opaque et brillant, de texture courte, avec une arrivée rapide de la synérèse.

Un amidon riche en amylopectine (< 20% d’amylose), tels que l’amidon de riz ou la fécule de manioc, donnera :

  • à chaud : un empois translucide, de texture longue et “élastique” ;
  • à froid : l’apparition très lente d’un gel ferme puis de la synérèse.

Les propriétés de ce type d’amidon seront plus épaississantes que gélifiantes.

L’amidon de maïs cireux (waxy), variété hybride naturelle du maïs, se compose presque uniquement d’amylopectine (99%). Il permet ainsi d’obtenir un gel translucide de haute viscosité, de texture longue avec une rétrogradation très faible lors du refroidissement[2].

La fécule de pomme de terre (23% d’amylose) présente quant à elle un comportement intermédiaire : à chaud celui d’un amidon riche en amylopectine (gel clair, de texture longue) et à froid celui d’un amidon riche en amylose (rétrogradation importante). Elle possède la température de gonflement la plus faible (65°C) et les grains les plus grands.

Lors de la formulation d’un produit transformé, le choix de l’amidon natif se fera donc en fonction de différents critères : les conditions de préparation de l’amidon, le niveau de viscosité, le type de texture et de transparence recherchés ainsi que le comportement à froid.

Limites des amidons natifs

Mais les amidons natifs possèdent certains inconvénients à prendre en compte. Insolubles à froid, ils sont réservés aux préparations nécessitant une étape de cuisson, leur pic de viscosité est étroit et leur résistance aux process industriels est limitée. Ils sont sensibles aux fortes températures, à l’acidité, aux cisaillements… Ils sont donc peu utilisables sur des produits traités thermiquement comme l’Ultra Haute Température (UHT), acides ou émulsionnés.

De plus, les amidons natifs sont sujets à la rétrogradation, ce qui peut entraîner un relargage important d’eau, qui sera d’autant plus important que la température est basse. Ils sont donc plus difficilement utilisables sur des produits surgelés et leur stabilité dans le temps est limitée.

Ne possédant pas de propriétés amphiphiles, ils peuvent également être très visqueux à forte concentration et empêcher l’obtention de la texture souhaitée.

 

Dans le but de faciliter leur utilisation industrielle, d’améliorer leurs fonctionnalités ou d’élargir le champ des applications, le secteur de l’amidonnerie a mis au point, comme on l’a évoqué, diverses transformations d’amidons natifs.

 

Amélioration des performances des amidons natifs

Il est en effet possible de fournir aux amidons des caractéristiques technologiques particulières par le biais de modifications physiques (traitements thermique et/ou mécanique), enzymatiques ou chimiques. En revanche, lorsque les traitements sont chimiques, l’amidon perd son statut d’ingrédient et devient un additif, alors interdit par la réglementation bio. Les amidons transformés physiquement représentent donc une alternative intéressante aux amidons modifiés chimiquement pour les produits bio.

Solubilité à froid avec les amidons prégélatinisés

Il s’agit d’amidons précuits jusqu’à la température critique de gélatinisation, leur permettant ainsi d’être solubles à froid et d’être donc utilisables sans cuisson.

La prégélatinisation s’effectue généralement en cuisant puis séchant le lait d’amidon sur des rouleaux chauffés à la vapeur. Les feuilles d’amidon ainsi obtenues sont ensuite broyées.

Cette précuisson industrielle peut également être réalisée par atomisation ou extrusion. La large gamme de températures et de cisaillements provoqués par ces différentes techniques donne des amidons prégélatinisés de structures et de propriétés diverses.

Les amidons prégélatinisés sont intéressants pour les produits instantanés et/ou préparés à froid. Par exemple, lors de la fabrication des crèmes pâtissières à froid, cela permet d’éviter la cuisson de la crème.

Autre exemple, la fécule de manioc prégélatinisée est couramment employée dans les nappages pour tarte.

Stabilité et résistance au process avec les amidons fonctionnels, dits “clean label”

Les amidons fonctionnels, couramment appelés amidons “clean label”, sont des amidons natifs traités thermiquement, mécaniquement ou enzymatiquement afin d’être dotés de propriétés semblables à celles des amidons modifiés. Ils présentent une bonne tolérance à la température, au pH acide, aux importantes forces de cisaillement ainsi qu’une meilleure stabilité au stockage, notamment vis-à-vis de la synérèse.

Puisqu’ils ne subissent pas de transformation chimique, ils sont considérés par la réglementation comme des ingrédients, à l’image des amidons prégélatinisés, d’où le terme “clean label”.

 

Interactions avec les glucides, lipides et protéines

La présence d’autres ingrédients dans le produit peut influencer le comportement rhéologique de l’amidon lors de la cuisson ou de la conservation.

Les sucres retardent la gélatinisation et augmentent la viscosité, en lien avec la disponibilité de l’eau présente. Ils modifient également la rétrogradation : effet accélérateur ou retardateur, probablement en fonction de la compatibilité du glucide avec l’eau. Une incompatibilité favoriserait la rétrogradation.

D’un point de vue pratique, une concentration en sucres importante nécessite d’augmenter la température de cuisson (ou bien d’utiliser un amidon prégélatinisé).

Certains lipides sont susceptibles de se complexer avec les molécules d’amylose au moment de la cuisson, ce qui retarde sa solubilisation et donc le gonflement des granules d’amidon. Lors du refroidissement, le même phénomène de complexation intervient, ce qui retarde la cristallisation de l’amylose et donc la rétrogradation de l’amidon.

Dans un produit, les protéines et l’amidon sont en compétition pour l’eau disponible, l’espace nécessaire à l’expansion ou la gélification. Les effets varient selon les conditions de cuisson et la matrice.

 

Propriétés nutritionnelles et gustatives

En tant que glucide complexe (polysaccharide), l’amidon est une source énergétique : 4 kcal/g. La rapidité de digestion de l’amidon par l’organisme dépend de son origine végétale.

En effet, un amidon riche en amylose, tel que celui des légumineuses, est moins facilement hydrolysable par les enzymes digestives qu’un amidon riche en amylopectine. La structure hélicoïdale de l’amylose ne favorise pas l’accessibilité des enzymes. La libération du glucose est donc lente et progressive (pas de fort pic glycémique et insulinémique). Les légumineuses ont donc par exemple un indice glycémique bas.

Une fraction de l’amidon des végétaux riches en amylose peut également présenter une structure cristalline particulière, c’est l’amidon résistant. Il peut être présent naturellement dans le végétal (pomme de terre, maïs, légumineuses…) ou se former lors d’une cuisson (perte de la structure cristalline) puis refroidissement (acquisition d’une nouvelle) : flocons de maïs, pommes de terre en salade…

L’amidon résistant est peu hydrolysé par les enzymes intestinales et n’est pas absorbé dans l’intestin grêle, d’où son nom. Il parvient donc presque intact dans le côlon où il est fermenté, à l’image des fibres insolubles dont il présente ainsi certains bénéfices.

Sa teneur varie en fonction de l’espèce végétale et du procédé de transformation utilisé. Par exemple, les pommes de terre en contiennent plus que les céréales et la pomme de terre crue davantage que celle ayant subi une transformation.

 

Côté gustatif, les amidons de blé et de maïs présentent une saveur caractéristique dite “de céréales” tandis que les amidons de pois, riz, pomme de terre et manioc ont un goût neutre[3].

 

Maintenant que nous avons abordé les différentes caractéristiques des amidons, allons voir comment les transformateurs bio mettent cela en pratique avec l’enquête Ingrébio !

 


[1] Bernard Boursier. 2005. Amidons natifs et amidons modifiés alimentaires. Ed. Techniques de l’Ingénieur.
[2] Bernard Boursier. 2005. Amidons natifs et amidons modifiés alimentaires. Ed. Techniques de l’Ingénieur.
[3] Bernard Boursier. 2005. Amidons natifs et amidons modifiés alimentaires. Ed. Techniques de l’Ingénieur.


III- Enquête : les amidons dans les produits biologiques

Amidon de riz bio crème

 

 

 

 

En 2015, la consommation européenne d’amidons et de ses produits dérivés était estimée à 9,3 millions de tonnes, dont 26% d’amidons natifs, 19% d’amidons modifiés (chimiquement) et 55% de produits d’hydrolyse (sirops de glucose…). L’alimentation humaine en a utilisé 61%, l’alimentation animale 1%, le reste étant des utilisations non alimentaires, avec principalement la papeterie puis l’industrie pharmaceutique[1].

Utilisations alimentaires françaises amidonsAu sein des produits alimentaires, les applications de l’amidon restent également très variées. L’Union des Syndicats des Industries des Produits Amylacés et de leurs dérivés (USIPA) indiquait la répartition suivante des amidons et produits dérivés (gluten, produits d’hydrolyse) sur le marché français en 2015 (graphique ci-contre)[2].

Mais quels sont alors les amidons les plus utilisés en bio aujourd’hui et dans quels types de produits les retrouve-t-on le plus ?

Pour répondre à ces questions, Ingrébio s’est intéressé à la composition de 60 produits bio contenant de l’amidon, disponibles en GMS et magasins spécialisés en septembre 2016.

 

Les premiers utilisateurs sont au rayon desserts et traiteur

Applications bio amidons - ©IngrebioMême si le champ des applications est large pour les amidons, certaines sont plus utilisatrices que d’autres. C’est le cas des gammes desserts et traiteur, représentant respectivement 30% et 28% des produits du panel.

La gamme des desserts est composée de flans, entremets, crèmes desserts et yaourts. Ce sont donc des fluides qui nécessitent d’être plus ou moins épaissis, tout comme les sauces ou les soupes. Dans le cas des flans, l’amidon est plutôt utilisé pour ses propriétés gélifiantes.

La gamme traiteur est plus variée. Le rôle des amidons est ici d’épaissir les purées et les tartinables, lier les sauces des plats cuisinés, gélifier les terrines, texturer les galettes végétales et globalement de stabiliser les préparations.

Dans les gâteaux et biscuits, 3ème catégorie utilisatrice d’amidon avec 17% des produits, l’amidon est utilisé pour apporter de la texture aux fourrages, du moelleux aux cakes (rétention d’eau) ou du liant aux barres de céréales…

 

Amidons bio : les céréales sur le podium

Origine végétale certification amidons produits bioPrésent dans plus d’un quart des produits du panel (26,7%), l’amidon de blé bio est le plus couramment utilisé. Riche en amylose, il apporte une faible viscosité ainsi qu’une texture courte et forme un gel ferme, opaque et brillant, avec une synérèse rapide (voir partie II). Il s’utilise donc surtout en tant qu’agent gélifiant.

Il est suivi de l’amidon de maïs (23,3%) et de riz (18,3%) qui sont également présents en version conventionnelle dans 2% des produits. L’amidon de maïs a des caractéristiques similaires à celles de l’amidon de blé, mais avec une viscosité un peu plus importante. Il peut donc servir d’agent gélifiant mais aussi épaississant.

En revanche, l’amidon de riz est riche en amylopectine et présente donc des propriétés épaississantes plutôt que gélifiantes.

Les fécules bio de tubercules sont quant à elles employées dans une moindre mesure.

La fécule de manioc, avec sa faible teneur en amylose, résiste assez bien à la rétrogradation et se caractérise par une texture longue, souple et crémeuse.

La fécule de pomme de terre a un comportement intéressant car intermédiaire entre les 2 types d’amidon. Elle apporte une forte viscosité et une texture longue tout en rétrogradant fortement.

Dans notre panel, 8,3% des produits ne précisent pas l’origine végétale de l’amidon dans la liste d’ingrédients. La réglementation ne l’exige effectivement pas, mis à part lorsqu’il s’agit d’un allergène, listé à l’Annexe II du Règlement (UE) N° 1169/2011, comme par exemple le blé. Il n’y a donc pas d’amidon de blé bio dans ces produits, représentés principalement dans notre enquête par des crèmes desserts.

 

 

Quel amidon pour quelle application ?

Type d'amidons par application bioD’après notre enquête, l’amidon de blé est principalement utilisé dans les produits des gammes gâteaux & biscuits (70%) et pain (100%), probablement en lien avec le fait que l’ingrédient principal de ces produits soit le blé. Le statut d’allergénicité ne pose donc ici pas de problème. La synérèse rapide de l’amidon de blé est notamment à l’origine du rassissement du pain de la veille. En effet, l’amidon présent dans la farine évacue les molécules d’eau absorbées lors de la panification, ce qui assèche le pain.

Des solutions compatibles avec le bio existent pour contrer ce phénomène, comme par exemple la préparation enzymatique Alphamalt Fresh 15 Organic®, développée par la société Mühlenchemie et distribuée par Böcker France. Composée d’enzymes et de farine de blé bio traitée thermiquement, elle va empêcher l’amylopectine de recristalliser et donc éviter le dessèchement de la mie.

L’amidon de blé représente également un quart des amidons utilisés dans les boissons & soupes et crèmes & sauces. Ses propriétés gélifiantes sont effectivement recherchées pour les sauces à texture courte et les crèmes pâtissières gélifiées.

L’amidon de maïs se réserve quant à lui aux catégories desserts (33%) et traiteur (41%). Il est en effet souvent utilisé dans les préparations en poudre pour flan afin d’obtenir une texture ferme après cuisson et refroidissement ou, comme l’amidon de blé, dans les crèmes pâtissières gélifiées pour son caractère rétrogradant.

L’amidon de riz apparaît assez polyvalent car on le retrouve dans de nombreuses applications. Il représente 75% des amidons dans les boissons & soupes, 25% dans les crèmes & sauces et environ 20% dans les desserts et les gâteaux & biscuits.

Sa très forte capacité de rétention d’eau apporte par exemple du moelleux aux gâteaux. De plus, la petite taille de ses granules est comparable à celle des globules gras, ce qui le rend idéal pour imiter leur sensation en bouche. Il peut ainsi être utilisé pour remplacer une partie de la matière grasse dans les produits allégés tout en gardant une texture crémeuse.

Malgré une utilisation plus faible dans le panel, la fécule de pomme de terre totalise quand même 35% des produits traiteurs et apparaît également dans quelques gâteaux, biscuits, crèmes et sauces (environ 10%). Avec son comportement intermédiaire, elle est utilisée aussi bien en tant qu’agent gélifiant qu’épaississant. Elle présente elle aussi un fort pouvoir de rétention d’eau et donc une forte viscosité qui est appréciée par exemple dans les terrines. En fonction du dosage, elle donne de la croustillance aux biscuits (film protecteur) ou du moelleux aux gâteaux.

Quant à la fécule de manioc, elle représente environ 10% des amidons dans les desserts, plats traiteurs et crèmes & sauces. Elle apporte de la brillance aux produits et son goût neutre ainsi que sa transparence sont intéressants pour les garnitures de fruits.

Ainsi, seule la catégorie des crèmes & sauces utilise l’ensemble des différents amidons, peut-être en raison de la simplicité des produits. Car, comme nous avons vu en partie II, de nombreux paramètres sont à prendre en compte dans le choix de l’amidon qui sera utilisé dans la formulation du produit.

 

Parmi les produits du panel, on constate également que les amidons sont parfois utilisés en association avec d’autres agents de texture. Quels sont-ils et quelle est la raison de leur présence dans le produit ?

 

Synergie avec d’autres texturants

Agents de texture hydrocolloïdes37% des produits du panel contiennent en effet un autre texturant dans leur liste d’ingrédients. Il s’agit presque exclusivement d’hydrocolloïdes, avec en tête la farine de graines de caroube (36%) et les carraghénanes (27%), suivies des gommes de guar et xanthane.

Ces macromolécules hydrosolubles sont capables de « lier » une quantité importante d’eau et modifient ainsi le comportement rhéologique du milieu aqueux dans lequel elles se trouvent. Ce sont des additifs gélifiants, épaississants, émulsifiants ou stabilisants autorisés en bio (Annexe VIII du Règlement (CE) N° 889/2008).

Les amidons ne sont en effet pas toujours suffisants pour obtenir la texture désirée compte-tenu des différentes contraintes de formulation, de process et de stockage. Utiliser ces agents de texture en synergie est donc une solution. Mais la réaction des hydrocolloïdes avec les macromolécules d’amidon dépend de son état de dispersion.

Lorsque les grains d’amidon sont gonflés, les hydrocolloïdes enrichissent la phase continue et épaississent rapidement la préparation. Dans la plupart des cas, les viscosités s’additionnent. Certains hydrocolloïdes (gomme xanthane, carraghénanes) accélèrent même la vitesse de gonflement des granules. Lors du refroidissement, la viscosité augmente ou alors, si l’hydrocolloïde est un gélifiant, les grains d’amidon s’insèrent dans le gel formé sans l’altérer.

Lorsque l’amidon est solubilisé, la viscosité augmente à chaud. En revanche, lors du refroidissement, on observe très souvent une incompatibilité entre les réseaux formés par l’amidon et ceux formés par les hydrocolloïdes. Il s’ensuit alors une perte de force de gel, l’apparition de la synérèse voire une séparation de phases.

Les galactomannanes : guar et caroube

La gomme de guar (E412) et la farine de graines de caroube (E410), sont des épaississants couramment utilisés en association avec l’amidon. La gomme de guar est efficace à chaud comme à froid, elle peut être utilisée en association avec l’amidon et la gomme xanthane afin d’épaissir une sauce. En revanche, la farine de graines de caroube nécessite d’être chauffée, comme les amidons natifs, pour exprimer ses propriétés texturantes.

Les carraghénanes

Polysaccharides extraits d’algues rouges, les carraghénanes (iota et kappa) ne sont solubles qu’à chaud et possèdent des propriétés gélifiantes (gels thermoréversibles). Utilisés en association avec les amidons, ils permettent la gélification des crèmes desserts.

La gomme xanthane

Polysaccharide obtenu par fermentation bactérienne, elle est soluble à froid et possède des propriétés épaississantes, gélifiantes et stabilisantes. Elle peut être utilisée en synergie avec l’amidon dans les sauces chaudes.

La pectine

Ce polysaccharide extrait de marc de pommes desséchées et d’écorces d’agrumes séchées est soluble à chaud. Elle forme, en refroidissant, des gels thermostables à texture courte et cohérente. La pectine et l’amidon peuvent par exemple s’utiliser en association dans les fourrages pâtissiers afin de renforcer leurs fonctionnalités respectives et d’optimiser la texture.

 

Nous venons de voir que les amidons non modifiés peuvent nécessiter le soutien d’autres texturants dans les produits bio. Mais où en est le marché sur les amidons bio ? Comment le consommateur les perçoit-il et quelles sont les alternatives possibles ?

 


[1] Source : Starch Europe http://www.starch.eu/european-starch-industry/
[2] Source : Union des Syndicats des Industries des Produits Amylacés et de leurs dérivés (USIPA), 2015.


IV- Marché et perspectives pour les amidons biologiques

amidon maïs bio hie 2014

 

 

 

 

75% de l’amidon mondial provient du maïs. Le reste est extrait principalement du manioc, du blé puis de la pomme de terre. Les premiers pays producteurs sont les États-Unis et la Chine, représentant chacun un tiers de la production mondiale.

La France est le troisième producteur mondial et le premier producteur européen, suivie des Pays-Bas et de l’Allemagne. La production européenne représente environ 15% de la production mondiale et s’élève à 10 millions de tonnes[1]. Comme souvent, la part du bio dans ces chiffres est flouée et il est donc difficile d’estimer la production d’amidons bio.

En 2015, la production française était d’environ 3,35 millions de tonnes, dont la moitié à usage alimentaire. 49% de l’amidon provenait du maïs, 44% du blé, 6% de la pomme de terre et 1% du pois protéagineux[2].

En moyenne, l’amidonnerie française utilise chaque année près de 3 millions de tonnes de blé tendre et plus de 2 millions de tonnes de maïs[3]. En effet, la production d’une tonne d’amidon nécessite, en fonction de l’origine végétale, 1,9 tonnes de blé, 1,6 tonnes de maïs, 5 tonnes de pommes de terre ou 2,5 tonnes de pois protéagineux.

Le chiffre d’affaires de l’industrie française des produits amylacés est estimé par l’USIPA à plus de 2,5 milliards d’euros.

 

Zoom sur l’offre des fournisseurs d’amidons bio

D’après les estimations de l’Agence Bio, le marché de la bio en France a augmenté d’environ 20% entre fin 2015 et fin 2016. Les ventes de produits bio, tous circuits confondus, ont dépassé les 7 milliards d’euros fin 2016. Pour répondre à cette forte demande, l’offre bio monte en puissance et les produits transformés suivent la croissance, impliquant une demande plus forte en ingrédients bio.

 

Une tendance permanente à la hausse de la demande en amidons biologiques est notamment observée chez Kröner Stärke. Ce fournisseur allemand propose une vaste gamme d’amidons à base de blé natifs et prégélatinisés bio, présentant chacun des fonctionnalités particulières (amélioration du volume, haute viscosité, bonne adhésion, adapté au pH élevé…). L’innovation la plus récente, et mise en avant par son distributeur BÖCKER FRANCE au SIAL, est l’offre d’un amidon de blé bio sans gluten : SANOSTAR biologique. Cet amidon natif à haute viscosité possède une bonne tenue à la cuisson. Il permet notamment de stabiliser la texture de la mie des pains sans gluten et de la rendre plus aérée. Il existe également en version prégélatinisée pour un gonflement à froid : SANOGEL biologique.

Pour modifier ses amidons, Kröner Stärke n’utilise que des procédés mécaniques et de l’eau, le process est garanti sans enzymes ni produits chimiques”, précise le directeur commercial, Henrik de Vries. L’entreprise souhaite communiquer de plus en plus sur la transparence de ses produits. Elle propose également des amidons natifs bio de maïs, riz et manioc.

 

Autre fournisseur d’amidons de blé natifs ou prégélatinisés bio, l’entreprise suisse Blattmann. La gamme comporte également des amidons de pomme de terre fonctionnels bio obtenus par transformation physique (chauffage et humidité).

 

L’entreprise finlandaise Finnamyl, en partenariat avec la société Aloja Starkelsen en Lettonie, est spécialisée dans la fécule de pomme de terre et ne travaille que l’amidon natif. Elle dispose de 3 références de fécule de pomme de terre bio : native, prégélatinisée ou déshydratée (5% d’humidité). Cette dernière peut être particulièrement indiquée pour les produits secs (poudres instantanées, sucre glace…).

Avec une capacité d’absorption d’eau et une viscosité supérieures à celles des autres amidons, un goût et une odeur neutres, une couleur translucide et l’absence d’allergènes, les possibilités d’applications de la fécule de pomme de terre sont nombreuses”, précise Erkki Pöytäniemi, export manager chez Finnamyl. « Le fait que la transformation hydrothermique de l’amidon de pomme de terre ait lieu à des températures facilement atteintes lors du process industriel lui permet d’être utilisé dans des applications variées, et notamment là où d’autres amidons ne se transformeraient pas« , ajoute-t-il.

 

Le fournisseur autrichien Agrana Stärke, propose lui aussi plusieurs références de fécules de pomme de terre bio mais également de l’amidon natif de blé bio et surtout des amidons de maïs et de maïs cireux (waxy) bio, pour lesquels il est leader du marché.

La fécule de pomme de terre bio existe en version native, déshydratée (6% d’humidité) aux propriétés absorbantes optimales et enfin en version prégélatinisée, recommandée pour des utilisations à froid ainsi que pour l’obtention de textures lisses et transparentes.

Les amidons bio de maïs et de maïs waxy (riche en amylopectine) se déclinent quant à eux sous forme native et prégélatinisée, mais également sous une forme stabilisée par un traitement physique qui permet de réduire la tendance à la rétrogradation et qui améliore la stabilité en milieu acide (jusqu’à un pH = 3,0). Une version déshydratée (6%) est disponible uniquement pour l’amidon de maïs bio.

Depuis 2014, Agrana Stärke a également développé un amidon de maïs prégélatinisé bio dédié aux sauces et condiments allégés : QuemLite® Bio. Dans les émulsions à froid, il améliore la taille et la répartition des particules et permet une stabilité optimale. Grâce à sa forte capacité de rétention d’eau, il augmente la viscosité et il est ainsi capable de remplacer la matière grasse des sauces sans en dégrader la texture ou la sensation en bouche. Le même type d’action est possible sur les pâtes à tartiner à teneur réduite en matière grasse avec AgenaLite® Bio, un amidon de maïs waxy bio, développé plus récemment. Un de ses atouts est l’obtention de pâtes avec un bon étalement à la sortie du réfrigérateur.

Le dernier né AgenaDyn® Bio, un amidon de maïs bio produit par acidification et séchage, a été conçu pour une application dans les produits “tartinables” afin d’en améliorer l’étalement. En formant une structure gel, il remplace favorablement la gélatine dans les recettes végétariennes notamment et améliore la texture et la sensation en bouche.

 

L’entreprise Beneo dispose quant à elle d’amidons de riz natifs ou prégélatinisés biologiques. De plus, un nouvel ingrédient a récemment été lancé : Remypure, un amidon de riz cireux fonctionnel, non bio mais clean label, à haute stabilité. En effet, il résiste aux conditions de transformation extrêmes (forte température, pH faible ou niveau de cisaillement élevé) tout en améliorant la durée de conservation et la texture des produits. Il est donc particulièrement adapté à la formulation de soupes et sauces stérilisées, de petits pots pour bébés, de desserts lactés ou de préparations de fruits.

 

Autre offre d’amidons fonctionnels : la gamme Novation® d’Ingredion, à base de maïs, pomme de terre ou manioc. Différents niveaux de résistance au process sont proposés et ils sont disponibles en version bio. Ils permettent d’obtenir la texture voulue malgré des procédés industriels difficiles, tout en améliorant la stabilité dans le temps. Les grains d’amidon restent intacts et gardent donc leur fonctionnalité.

 

Spécialiste historique du manioc, Tipiak Industrie propose de la fécule de manioc native bio ainsi que la gamme Tapiocaline, un amidon fonctionnel disponible en bio en 5 granulométries, selon les applications et les effets souhaités. “En plus d’apporter une texture crémeuse et moelleuse grâce à son fort pouvoir de rétention d’eau, elle permet notamment de diminuer la quantité de protéines texturées de soja ou de blanc d’oeuf, qui font partie des allergènes, ou bien le taux de matière grasse à destination des produits allégés”, explique Elodie Le Pironnec, Responsable Commerciale Industrie chez Tipiak. Les applications sont variées : viandes et poissons, plats cuisinés et sauces, produits laitiers, biscuiterie et pâtisserie…

 

Côté financier, les prix des amidons dépendent du prix de la matière première végétale et de sa propre richesse en amidon ainsi que de la valorisation des coproduits de son procédé d’obtention. En 2015, les prix des amidons bio étaient d’environ 1,5 à 3€ / kg pour le blé ou le maïs, 5 à 6,5€ / kg pour le manioc et encore au delà pour le riz.

 

Problématiques d’approvisionnement

La mauvaise récolte 2016 de blé tendre français dont nous parlions dans notre dossier conjoncturel sur les céréales impacte aussi le secteur de l’amidonnerie.

Les caractéristiques inhabituelles du blé (poids spécifique hétérogène et faible, taux de protéines plus élevé et donc extraction protéique plus difficile) obligent les amidonniers à adapter leurs procédés de transformation, engendrant des coûts de production supplémentaires. La difficulté de travail du blé provoque également une baisse des rendements d’extraction de l’amidon.

Pour sécuriser les approvisionnements dans ce contexte tendu, les relations entre producteurs et fournisseurs sont primordiales. Les témoignages comme celui de l’amidonnier Kröner Stärke le prouvent. “Nous avons vraiment rencontré ces dernières années des difficultés pour s’approvisionner en blé biologique. C’est pourquoi nous avons adopté une stratégie de développement de partenariats durables dans différents pays”, explique Henrik de Vries. S’ils permettent de sécuriser les volumes minimum et d’éviter les pénuries, ces contrats n’empêchent par contre malheureusement pas de subir la hausse des prix du marché…

L’année 2016 n’a pas épargné non plus les pommes de terre. Les mauvaises conditions climatiques ont favorisé le développement du mildiou dans les plantations. Sans possibilités de traitement en bio, les rendements ont été divisés jusqu’à 3 dans certaines régions. L’export manager de Finnamyl, Erkki Pöytäniemi, indique par exemple n’avoir collecté que 50 à 70% de sa récolte habituelle. Même constat chez Agrana Stärke, où la responsable marketing Tatjana Figl-Wolfsberger précise que les volumes sont très limités cette année. Cette mauvaise récolte est généralisée sur toute l’Europe et il y a, à l’heure où nous écrivons ce dossier, une réelle pénurie sur le marché de la fécule de pomme de terre bio. Or, comme vu précédemment, la fécule de pomme de terre possède des caractéristiques particulières et n’est parfois pas facilement remplaçable par un autre amidon dans certaines applications.

Il faudra attendre la prochaine campagne en septembre-octobre 2017 pour avoir de nouveaux volumes… et perspectives…

 

Perception du consommateur

Une étude d’Ingredion, menée par MMR Research Worldwide en 2013 sur les comportements de consommation en Europe, montre que pour 86% des Français la liste d’ingrédients est importante lors de l’achat d’un produit (moyenne européenne : 78%).

Les consommateurs européens identifient assez bien les amidons puisqu’ils se situent en 8ème position des ingrédients les mieux reconnus, après notamment le sucre/glucose, les colorants et arômes artificiels, les conservateurs… C’est donc un terme qu’ils ont l’habitude de voir et qui leur est familier. Au niveau du type d’amidon, le maïs est le mieux reconnu (10ème place), suivi de la pomme de terre (13ème). S’ils connaissent bien le terme générique amidon, les consommateurs européens ne sont en revanche pas très coutumiers des amidons de riz et de tapioca, ni des amidons modifiés.

Au niveau de la tolérance du consommateur vis-à-vis des ingrédients d’un produit, les amidons sont bien acceptés, ils sont à la 6ème place derrière les colorants et arômes naturels, le sucre/glucose, les huiles végétales et… l’amidon de pomme de terre ! Autrement dit, les Européens acceptent facilement de consommer des produits contenant des amidons. Le maïs est le deuxième amidon le mieux toléré (7ème place), suivi du riz (10ème) alors que l’amidon de tapioca (22ème) est moins bien toléré par le consommateur que les amidons modifiés (21ème). Peu connus, ces deux derniers types d’amidons ne sont donc pas perçus de manière positive.

Nous avons vu en partie III que les amidons peuvent être associés à des hydrocolloïdes afin d’obtenir une synergie dans les produits. Ces derniers sont en revanche largement moins reconnus et acceptés par les consommateurs européens, bien que la pectine soit toujours devant les amidons modifiés et de tapioca.

Ainsi, les consommateurs n’acceptent pas les ingrédients au nom évoquant “la chimie”, long et complexe. Les termes inconnus les rebutent et ils sont plus sereins avec des ingrédients qui leur sont familiers, comme le sucre, le sel, les levures… et l’amidon !

Pour certains amidons, différentes appellations sont d’ailleurs indiquées sur les étiquetages des produits. Dans notre enquête, c’était notamment le cas de la fécule de manioc, retrouvée également sous les termes “amidon de manioc” ou encore “tapioca”. Les mentions “fécule” et “tapioca” seraient plus rassurantes pour le consommateur car à consonance plus “naturelle”. Il en est de même pour l’appellation “farine de graines” de guar et de caroube, plus habituelle et naturelle pour le consommateur que la mention “gomme”.

 

Alternatives naturelles et perspectives pour les amidons bio

Comme nous venons de le voir, l’alternative des hydrocolloïdes présente plusieurs inconvénients : il ne s’agit plus d’ingrédients mais d’additifs, pas toujours disponibles en bio (exemple : gomme xanthane) et bien moins acceptés par les consommateurs.

D’autres ingrédients alternatifs aux amidons existent alors : les farines fonctionnelles. Plusieurs des fournisseurs d’amidons bio cités précédemment en proposent (Kröner Stärke, Agrana Stärke…), sur différentes sources : blé, maïs, riz, seigle, pomme de terre (poudre)…

Ce sont par exemple des farines qui ont été extrudées afin de donner des farines prégélatinisées. Elles s’utilisent dans les produits de boulangerie et pâtisserie, pour les fourrages, les soupes et les sauces… Selon l’application, elles apportent de la viscosité au produit, de l’expansion, donnent du moelleux, permettent une meilleure tenue à la cuisson, le stabilisent… Et elles présentent l’avantage d’être juste étiquetées “farine de …”. Ces farines fonctionnelles doivent obligatoirement être bio.

En conventionnel, l’offre disponible en amidons dispose d’une plus grande diversité des origines végétales et donc des fonctionnalités. On observe notamment depuis plusieurs années le développement de l’amidon de pois, caractérisé par sa richesse particulière en amylose. Avec une température de gélatinisation basse, cet amidon est facile à utiliser et donne des gels stables et résistants. Au vu de la teneur en amidon des graines de légumineuses, celles-ci constituent sans nul doute, une perspective d’évolution intéressante pour les amidons bio.

Et du côté réglementaire, ne pourrait-on pas s’attendre à une mise à jour de l’annexe IX, notamment pour le cas des deux amidons listés : l’amidon de riz et l’amidon de maïs cireux étant dorénavant disponibles en bio sur le marché européen ?

Selon l’IFOAM Europe, cette question n’a pas encore été soulevée, à ce jour.

 


[1] Source : Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, 2013.
[2] Source : Union des Syndicats des Industries des Produits Amylacés et de leurs dérivés (USIPA), 2015.
[3] Source : FranceAgrimer, 2015.