Des alternatives végétariennes pour substituer les produits carnés bio

burger végétal

 

Tendance phare des derniers salons agroalimentaires (SIAL, Sirha, Biofach…), les produits végétariens ou vegan sont en pleine croissance. L’année 2016 comptabilisait, selon Innova Market Insight, 32 631 lancements de produits positionnés “végétariens ou vegan” dans le monde, soit une augmentation de plus de 60% en seulement 3 ans.

simili carnés bio

Rayon des simili carnés en magasin bio – ©Ingrébio

En France, on observe un large développement de ces gammes tant en conventionnel qu’en bio, en GMS ou en magasins spécialisés. Entre 2011 et 2013, le nombre de produits sur le marché contenant des matières protéiques végétales a augmenté de 36%, après avoir été multiplié par 2,5 entre 2009 et 2011[1]. La France ne comptait que 2 à 3% de végétariens en 2014 mais aujourd’hui plus de 10% des Français envisagent de le devenir dans les années à venir et notamment plus de 40% de la génération Z[2].

L’augmentation de la sensibilité des consommateurs vis-à-vis d’une alimentation durable, notamment par rapport à la viande, conduit au développement de diverses tendances alimentaires qui diminuent ou suppriment les produits d’origine animale de l’alimentation quotidienne.

Le véganisme est le mode de vie qui exclut tout produit issu de l’animal directement ou indirectement, de l’alimentation à la cosmétique, en passant par les loisirs ou encore l’habillement. Il est plus restrictif que le végétarisme, qui supprime uniquement les produits animaux (viande, poisson) de l’alimentation, et le végétalisme qui exclut aussi les produits d’origine animale (lait, oeuf).

Mais un mode de consommation, apparu dans les années 2000, se généralise de plus en plus aujourd’hui, témoin d’une prise de conscience plus large. C’est le flexitarisme, qui se définit par une consommation réduite ou occasionnelle de viande et de poisson. Un flexitarien se définit généralement comme une personne souhaitant s’alimenter de façon plus saine et équilibrée tout en respectant l’environnement.

L’apport nutritionnel conseillé par l’Anses pour les protéines est de 0,83 g/kg/jour chez l’adulte en bonne santé. Dans les pays développés, 65% de l’apport protéique provient d’une source animale contre 17% dans les pays en voie de développement[3].

Avec l’augmentation de la population et l’évolution des pays en voie de développement, la demande mondiale en protéines animales ne cesse de croître mais ne pourra être satisfaite. La FAO estime qu’il y aura 9,1 milliards de bouches à nourrir en 2050, soit 3 fois plus de protéines à fournir et la nécessité d’augmenter de 70% la production agricole.

Au delà de cette problématique essentielle, l’aspect environnemental, économique et nutritionnel entre en jeu.

39% des Français souhaitaient diminuer leur consommation de viande en 2016 (contre 32% en 2011), principalement pour des raisons de santé (teneur en matière grasse notamment) ou environnementales (énergie, eau, gaz à effet de serre…)[4].

génération tofu à génération simili carnés

Evolution de l’offre alternative aux produits carnés – ©Ingrébio

L’offre en produits alimentaires alternatifs s’est développée depuis plusieurs dizaines d’années déjà, en particulier en bio, avec des produits tels que le tofu ou les galettes végétales. Plus récemment, les produits de substitution à la viande se sont diversifiés, avec des saucisses végétariennes ou des boulettes – entre falafels et boulettes de viande alternatives. Mais depuis quelques années, c’est véritablement les produits simili carnés – ou produits analogues – qui sont en plein essor. Non seulement ces produits ont pour vocation d’être assimilés aux produits carnés (en terme de goût, de texture ou de forme), mais ils utilisent aussi largement l’univers sémantique de la viande.

Pour atteindre une teneur protéique significative qui, en plus de l’aspect nutritionnel, apportera des propriétés texturantes et organoleptiques similaires à celles de la viande, l’industrie agroalimentaire utilise le plus souvent les légumineuses et les céréales.

 

Forte tendance qui se développe rapidement en conventionnel, comment l’offre biologique parvient-elle aujourd’hui à garder son avance sur un credo végétarien où elle était pionnière ?

A travers ce dossier, nous essayerons de répondre aux questions suivantes :

  • Quels sont les ingrédients utilisés dans les alternatives aux produits carnés bio et leurs fonctionnalités ?
  • Comment imiter les caractéristiques organoleptiques de la viande ?
  • Quels sont l’état du marché et les perspectives de développement pour ces solutions alternatives ?

 

Auteur : Juliane L’Hermet

Un dossier préparé par Marion Ledemé, Elodie Puech-Dejean, Anne Kersual, Charlotte Leguesdron et Kenza Bouaziz, étudiantes en Master 2 ALIM à l’Université de Rennes 1 & Agrocampus Ouest.

 


[1] Lettres d’information du Groupe d’Etude et de Promotion des Protéines Végétales (GEPV) n° 53, juin 2013 et n°56, sept. 2014.
[2] Les protéines végétales : l’alimentation de demain, Cook Innov, conférence au CFIA 2017.
[3] Sources : FAO, INRA.
[4] Lettre d’information du GEPV n° 61, oct. 2016.


I- Enquête : tendances et ingrédients utilisés dans les alternatives aux produits carnés bio

Etiquette Lord of Tofu tofu

 

 

 

 

Découvert en France dès les années 80, le tofu a été l’un des ingrédients pionniers pour remplacer la viande. L’idée importée d’outre-Atlantique par les fondateurs des marques Soy et Tossolia, a ensuite fait des émules avec le développement de plusieurs gammes dédiées au tofu.

Pendant plusieurs dizaines d’années, les consommateurs bio se sont habitués à intégrer dans leurs menus des galettes végétales à base de tofu dont la variété n’a cessé d’être inventive. Ces produits s’appelaient “Croque-tofou”, “pavé” ou simplement “galette” au tofu.

Il aura fallu attendre les années 2010 pour voir émerger cette nouvelle vague d’innovations dites “simili carnés”. Des “Soyciss” aux « Végé’merguez », des “hachés” aux “steaks” végétaux, le vocabulaire des produits végétaux devient résolument “carné”… jusqu’aux traditionnelles galettes végétales qui se voient rebaptisées “burgers végétaux”.

Cette nouvelle tendance ne fait pas que des adeptes dans le milieu vegan. En effet, pour beaucoup de végétariens, supprimer la viande s’est matérialisé par un changement de mode alimentaire global. Ils n’ont pas ressenti le besoin de produits analogues car leur alimentation a été repensée avec une autre manière de cuisiner… Ces végétariens pionniers sont parfois surpris, à lire certains blogs, du déferlement de ces nouveaux produits. Or, il semblerait que pour toucher les “néo-végétariens” (ou les flexitariens), il faille en passer par une étape intermédiaire de “consommation végétale comme si on mangeait de la viande”. Cherche-t-on à tromper les papilles du consommateur ou juste à l’aider à renoncer à ses protéines animales ?

Car en effet, l’acceptation des protéines végétales est l’un des enjeux clé d’un passage global à une alimentation plus durable selon les chercheurs.

Afin d’explorer cet essor des produits de substitution à la viande et d’identifier les ingrédients utilisés dans les alternatives aux produits carnés bio, Ingrébio a examiné la composition de 152 d’entre eux, disponibles en GMS et magasins spécialisés entre octobre 2016 et avril 2017. Zoom sur un levier d’innovation en phase avec son époque…

 

Le substitut de viande bio sous toutes ses formes

Applications substituts de viande bioBien que les références à la viande soient nombreuses (steaks, saucisses, nuggets, boulettes…), les “anciennes générations” de produits végétariens bio restent bien présentes sur le marché. Les galettes végétales représentent effectivement près d’un quart du panel, les blocs végétaux à découper, entendons majoritairement par là les blocs de tofu, totalisent 17% des applications et les falafels 5%.

Ces produits ne sont pas destinés à imiter la viande, ils disposent de leur propre goût, qu’ils mettent notamment en avant sur les emballages. Les galettes végétales disposent d’une grande diversité de goût différents (recette montagnarde, à l’indienne, orientale, bretonne…), la gamme des tofus s’étoffe de nombreuses aromatisations (herbes, épices, légumes, graines, fumé…) et les falafels, produit à la recette traditionnellement bien définie, existent maintenant sous différentes variantes (tomate, fruits secs, graines…).

La forme de ces produits, en revanche, peut faire penser aux produits carnés : les galettes ont la forme de steaks hachés, les falafels peuvent représenter des boulettes de viande et le tofu, une fois découpé en cubes, peut être assimilé à des cubes de jambon (ou de fromage) par exemple.

Et ce, probablement pour encourager le consommateur à utiliser ces produits alternatifs, et parfois inconnus, de la même manière que les produits carnés qu’il connaît bien.

Au niveau de la texture, sans vouloir forcément imiter celle la viande, ces produits disposent tout de même d’une certaine cohésion et consistance en bouche qui leur permettent, dans un plat, de combler le besoin de matière apportée par la viande.

L’évolution se fait en revanche du côté des produits à la dénomination connotée viande. Les steaks végétaux bio arrivent en tête, représentant déjà presque un quart du panel. Les possibilités d’utilisation proposées sont nombreuses : burger, tapas, grill, médaillon, filet… Certains ont parfois la couleur brune d’un steak cuit et beaucoup promettent la texture fibreuse de la viande.

C’est encore plus le cas dans la catégorie des saucisses végétales où l’aspect des produits porte réellement à confusion. Pionnière dans le secteur des simili carnés bio, cette catégorie est assez étoffée, mais s’est faite dépasser en quelques mois par la déferlante des “simili steaks”. Elle ne représente que 14% des produits de notre panel. A cuire au barbecue ou à la poêle, on y trouve différentes recettes et aromatisations.

La confusion est également présente avec les produits tranchés (5%), dans l’idée d’une charcuterie végétale avec des tranches de jambon, fumé, aux herbes, de chorizo, de salami…

Plus anecdotiquement, d’autres substitutions carnées apparaissent sur le marché avec le vocabulaire des “produits carnés” : les émincés, hachés, nuggets, boulettes ou encore allumettes.

Nous avons souhaité décortiquer ce panel afin d’en décrypter les tendances de formulation. Quels ingrédients sont principalement utilisés dans les simili carnés bio, pour l’apport de protéines, la texture, le goût et la couleur du produit ?

 

La souveraineté du soja et de sa richesse protéique

Ingrédients protéiques substituts de viande bioD’après notre enquête, les ingrédients protéiques utilisés dans ces alternatives aux produits carnés sont principalement issus du soja (78%), du blé (29%) et du pois chiche (14%).

Ces résultats sont cohérents avec le constat qu’en 2013, 90% des produits entrant sur le marché étaient composés de protéines de soja et de blé selon la bibliographie[1].

Les ingrédients protéiques sont incorporés sous différents formes.

Ainsi, pour le soja, c’est principalement sous forme de tofu (79%) qu’il est utilisé. On le trouve ensuite sous forme de protéines (13%) ou de farines (3%) texturées ou non, et de graines de soja (5%).

Concernant les ingrédients protéiques issus du blé, il s’agit majoritairement du seitan (59%) ou de protéines de blé (41%).

Le pois chiche est utilisé plutôt sous forme de graines (55%), puis de farine (36%) et de flocons (9%).

En plus d’apporter des protéines, ces ingrédients participent également à la texture du produit, comme nous le verrons en partie II.

 

Des ingrédients et additifs texturants indispensables

La prédominance des céréales et de la pomme de terre

Ingrédients texturants substituts de viande bioLes ingrédients participants à la texture des produits du panel sont principalement issus de céréales (blé, avoine, maïs, épeautre, millet) ou de pomme de terre, en raison de leur richesse en amidon, composant aux propriétés épaississantes et gélifiantes. Ces ingrédients apportent également quelques protéines, participant à la texture du produit à l’image de l’élasticité donnée par le gluten de blé. Ils sont incorporés sous forme de farines (41%), flocons (38%), grains de céréales précuits (28%) et bien sûr d’amidons et fécules (26%). Leur capacité à absorber une grande quantité d’eau donnera du moelleux et de la consistance au produit.

Les fibres permettent de piéger les molécules d’eau et de retenir l’humidité dans le produit même lors de la cuisson (voir partie II). Seulement 5% de notre panel contient des fibres ajoutées. Il s’agit notamment de fibres de soja ou d’avoine.

Les farines de blé et de riz sont utilisées dans les produits de type galettes et steaks. Mais la farine de riz entre aussi dans la composition des nuggets et des burgers. Les flocons de pomme de terre sont mis en œuvre dans les boulettes, mais également comme unique liant dans les hachés, les jambons ou le tofu. Il semblerait donc que dans ces produits, ils suffisent à donner la structure voulue.

Certains produits utilisent également les propriétés nutritionnelles et texturantes de l’oeuf (6%), entier ou uniquement le blanc. Les protéines du jaune d’oeuf ont des propriétés principalement émulsifiantes tandis que celles du blanc d’oeuf sont coagulantes, moussantes ou gélifiantes.

Coagulants, épaississants et gélifiants

Additifs texturants substituts de viande bioDans notre panel, des additifs texturants peuvent également être utilisés en renforcement des ingrédients texturants. Ils ont des rôles de coagulants (chlorure de magnésium, chlorure et sulfate de calcium) notamment pour la fabrication du tofu, d’épaississants ou de gélifiants (gommes de guar, xanthane, arabique, farine de graines de caroube et agar-agar).

La gomme de guar et la farine de graines de caroube sont les hydrocolloïdes les plus utilisés dans notre panel et sont parfois utilisées en association.

L’huile de tournesol comme principale matière grasse

Matières grasses substituts de viande bioPlus de 80% des produits du panel contiennent de la matière grasse ajoutée. Elle est en effet nécessaire pour l’onctuosité et la jutosité des produits. Ainsi, 73% des produits de l’enquête contiennent de l’huile de tournesol. Cette huile neutre en goût, odeur et couleur et relativement stable à la cuisson, lui permet d’être compatible avec de nombreuses applications. D’autres matières grasses sont également utilisées dans notre panel, telles que l’huile d’olive, au goût caractéristique et la graisse de palme ou de coco, reconnues pour leur résistance à la cuisson et leur apport d’onctuosité.

 

Les stratégies pour développer goût et couleur des alternatives végétariennes

Ingrédients aromatisants substituts de viande bioDe nombreux ingrédients aromatisants sont mis en oeuvre dans les produits du panel, soit pour palier à un manque de saveur, soit au contraire pour masquer un goût trop prononcé qui pourrait ne pas plaire à la majorité des consommateurs. Mais on note qu’aucun ne contient d’arômes à note carnée.

Plus de 80% des produits contiennent des légumes ou des épices, et la moitié des herbes aromatiques.

Le but de ces ingrédients est d’améliorer gustativement le produit et non d’imiter le goût de la viande. En revanche, la sauce soja et les extraits de levure peuvent apporter ces saveurs plus carnées (notamment la saveur umami) et près d’un tiers des produits du panel en contiennent. Cette saveur peut également être apportée par les bouillons de légumes, que 11% des produits du panel contiennent, ou être renforcée par la fumaison du produit (13%).

En plus de leur apport gustatif et nutritionnel, certains de ces ingrédients permettent également de colorer le produit et le faire se rapprocher de couleurs rouges ou brunes typiques de la viande. C’est par exemple le cas du concentré de tomate (15%), du poivron rouge ou de la betterave pour les légumes, ou bien du paprika (17%), du curcuma (9%) ou du safran pour les épices. La sauce soja (29%) permet également de brunir le produit et lui donner un aspect de viande cuite.

 


[1] J. Guéguen et al., Les protéines végétales : contexte et potentiels en alimentation humaine. Cahiers de nutrition et de diététique. 2016. vol 51. p 177-185.


II- Comment imiter les caractéristiques organoleptiques de la viande ?

steak végétal soja

 

 

 

 

Les consommateurs ne rejettent pas forcément les qualités organoleptiques de la viande, et cherchent donc des substituts semblables.

Plusieurs axes de travail sont donc à prendre en compte au niveau de la formulation de ces produits pour permettre d’apporter une texture, un goût et un apport protéique proches de ceux de la viande traditionnelle :

  • la teneur en protéines ;
  • la rétention d’eau ;
  • la cohésion de la matrice et de ses composants ;
  • la texture fibreuse, l’élasticité, le moelleux, la tendreté et la jutosité ;
  • la formation et la stabilisation des émulsions (pour les saucisses notamment) ;
  • l’absorption des lipides et la fixation des arômes.

Mais rappelons tout d’abord les caractéristiques générales de la viande.

 

Reproduire la texture unique carnée

Préambule : composition de la viande

La viande correspond aux muscles striés squelettiques des animaux. Elle se compose de 3 principaux éléments :

  • les fibres musculaires (cellules allongées)
  • le tissu adipeux (gras)
  • le tissu conjonctif (collagène).

Les fibres musculaires contiennent du liquide ainsi que les protéines nécessaires à la contraction (actine et myosine). Elles sont enveloppées de diverses couches de collagène qui rendent la viande plus dure et coriace. La tendreté de la viande dépend donc de la quantité de collagène qu’elle contient. Ce tissu conjonctif se compose de longues chaînes de protéines enroulées sur elles-mêmes et appelées fibres. Les fibres de collagène sont attachées les unes aux autres par des liaisons chimiques. Plus les fibres sont liées entre elles, plus la viande sera dure.

La cuisson de la viande permet de rompre les liaisons chimiques entre les fibres de collagène, ce qui le solubilise et forme une gélatine, plus facilement masticable.

Autre phénomène, sous l’effet de la chaleur, les protéines contenues dans les fibres musculaires coagulent. En se resserrant, elles expulsent l’eau qu’elles contiennent. Plus la température augmente et plus le jus sort de la viande.

Le tissu adipeux est quant à lui en grande partie responsable de la saveur de la viande. Le gras intramusculaire (persillé) fond pendant la cuisson et rend la viande plus juteuse.

Comment substituer alors les différents constituants de la viande afin de reproduire une texture similaire ?

Les matières protéiques végétales comme base

Nous avons vu que les protéines sont un élément central de la texture de la viande. Bien qu’elle varie en fonction des espèces, la teneur moyenne en protéines de la viande est de 20%. Les Matières Protéiques Végétales (MPV) sont des ingrédients alimentaires intermédiaires issus d’espèces végétales riches en protéines. Elles sont obtenues à partir de protéagineux (lupin, féverole, pois), d’oléo-protéagineux (soja) et de céréales (blé, orge…).

Des ingrédients réglementés

Les MPV ainsi que leurs conditions d’appellation, d’étiquetage et d’utilisation, sont définies réglementairement au niveau français, européen et mondial. De manière générale, la teneur en protéines doit être supérieure ou égale à 40% (sur l’extrait sec) pour que le produit ait droit à l’appellation MPV. Mais pour le gluten de blé et le soja, des normes spécifiques s’appliquent. Le gluten de blé doit avoir une teneur protéique minimale de 80%, tandis que les MPV de soja sont définies de la manière suivante :

  • farine : 50 à 65% du poids sec ;
  • concentrats : 65 à 90% du poids sec ;
  • isolats : au moins 90% du poids sec.

En France, la norme est plus restrictive : la présence de protéines végétales ne peut être indiquée que lorsque leur teneur est supérieure à 45% de la matière sèche. Et les différentes appellations sont autorisées sous les conditions suivantes :

  • farine : 45 à 65% ;
  • concentrat : 65 à 90% pour le soja et 70 à 90% pour les autres végétaux ;
  • isolat : au moins 90% de protéines.

Il existe 4 grandes familles de protéines :

  • les albumines ;
  • les globulines ;
  • les prolamines ;
  • les glutélines.

Ces protéines de réserve sont extraites par voie sèche (fractionnement de la farine pour séparer la partie la plus riche en protéines) ou par voie humide (trempage de la farine dans l’eau pour en séparer les fractions principales : amidon, protéines et fibres).

Les graines sont délipidées, trempées et broyées puis les protéines sont coagulées afin d’être récupérées.

Les globulines se retrouvent principalement dans les légumineuses et oléagineux (60 à 90%) tandis que les prolamines et les glutélines sont plutôt présentes dans les céréales (80 à 90%)[1].

Soja

Le soja contient environ 40% de protéines (et 5% de fibres). Ses protéines sont principalement des globulines 7S et 11S, solubles en solution saline, et formant un réseau viscoélastique. Via un traitement thermique, les globulines de soja vont former un gel dont la fermeté dépendra de la variété de soja.

Différents produits protéiques et texturants peuvent être obtenus à partir des flocons de soja dégraissés :

  • protéines isolées de soja ;
  • fibres de soja ;
  • concentrés de protéines de soja ;
  • protéines texturées de soja (obtenues par extrusion) ;
  • farines de protéines de soja.

Le tofu est obtenu par coagulation du jus de soja aux environs de 85°C. Le coagulant traditionnel est le nigari (chlorure de magnésium) mais le chlorure de calcium, le sulfate de calcium (gypse) ou encore la ? glucono-lactone (GDL) peuvent également être utilisés.

L’utilisation du nigari donne une coagulation lente et un tofu qui fixe peu d’eau, soit un rendement faible.

L’utilisation du chlorure de calcium permet une coagulation rapide, une texture ferme et apporte du calcium.

L’utilisation du sulfate de calcium donne des rendements supérieurs de l’ordre de 15 à 20% par rapport au nigari ainsi qu’une texture molle et une saveur neutre.

Quant à la GDL, elle permet de traiter le lait de soja au moment de son conditionnement et d’obtenir un produit stérile. Après traitement thermique, on obtient un tofu de texture molle contenant près de 90% d’eau.

Le tofu peut également être produit par lactofermentation du jus de soja, comme la production de fromage à partir de lait. “Cette coagulation par voie microbiologique présente de nombreux avantages et donne un produit différent de ceux obtenus par coagulation physico-chimique”, explique Laurent Vondra, directeur de production chez Le Sojami, unique producteur européen de tofu lactofermenté bio. “La texture est à la fois friable et ferme et le goût un peu plus acide, en raison de la lactofermentation (note fromagère) du jus. Cette fermentation permet d’améliorer la digestibilité et les qualités nutritionnelles du produit (amélioration de la biodisponibilité…), tout en favorisant la flore intestinale.

Le tofu est utilisé dans de nombreuses préparations culinaires, seul ou en mélange, coupé en dés, émietté, grillé… Et sa saveur neutre lui permet d’être facilement aromatisé.

Grâce à sa texture ferme et sa couleur claire, le tofu à faible teneur en eau (60%), obtenu après pressage, donne un aspect de chair de poulet.

Blé

Le blé contient 12 à 17% de protéines. On distingue les protéines solubles ou albumines et les protéines insolubles constitutives du gluten : les gliadines (groupe des prolamines) et les gluténines (groupe des glutélines).

Les albumines ont de bonnes propriétés tensio-actives qui permettent de générer des mousses stables. Parmi les albumines, on retrouve des protéines à rôle métabolique : les indolines et les Lipid Transfer Protein (LTP). Les indolines, présentes dans le blé mais aussi l’orge, ont la capacité de se lier aux lipides grâce à leurs zones hydrophobes en surface. Elles permettent ainsi une meilleure stabilité des mousses que les protéines d’œuf.

En présence d’eau, les gliadines et les gluténines forment un réseau viscoélastique (gluten), réseau de fibres qui piège l’eau, aux propriétés texturantes et adhésives.

Les gluténines ont une viscoélasticité très élevée. Ce sont des protéines agrégées de haut poids moléculaire qui donnent de la ténacité et de l’élasticité. Elles représentent 30 à 40 % des protéines totales.

Les gliadines ont une forte extensibilité. Étant beaucoup plus petites que les gluténines elles permettent l’extensibilité, la viscosité et la plasticité de la pâte à pain. Les gliadines sont présentes dans toutes les céréales. Elles représentent 40 à 50 % des protéines totales.

Le gluten est extrait de la farine de blé par voie humide. Il est utilisé en tant que source de protéines dans les substituts de viande et permet d’imiter les constituants du muscle, notamment les fibres musculaires et le collagène. En effet, après avoir été texturé par extrusion, il peut absorber jusqu’à 4 fois son poids en eau et apporte du liant. Il imite ainsi bien les produits de viande et volaille.

Le seitan est essentiellement composé de gluten. Sa texture fibreuse et sa couleur brune rappellent celles d’une viande tendre. Traditionnellement, il s’obtient en séparant le gluten de la farine de blé, puis en le pétrissant afin d’obtenir une pâte que l’on fait ensuite cuire dans un bouillon à base de sauce soja et d’épices.

Pois

Le pois contient en moyenne 25% de protéines (et 15% de fibres).

Son avantage par rapport au soja est de ne pas présenter de risque OGM ni allergène.

En revanche, il présente un goût assez prononcé qu’il faut prendre en compte dans la formulation du produit.

Les différents degrés d’extraction permettent d’obtenir des farines riches en protéines, des fibres de pois ou des fractions protéiques isolées très digestibles, permettant notamment de stabiliser les émulsions, propriété intéressante pour les saucisses végétales par exemple.

Les protéines de pois texturées sont souvent utilisées dans les steaks végétariens. La contrainte mécanique et thermique qu’elles subissent durant la cuisson-extrusion modifie la structure des protéines et leur donne une forme en feuillet. Après réhydratation, elles présentent un aspect fibreux comparable à celui de la viande.

Lupin

Le lupin contient 40% de protéines (et 30% fibres).

Les pépites et les différentes références de farines de lupin sont obtenues à partir de la graine entière par un process intégralement physique : traitement thermique plus ou moins fort (références toastées ou non), décorticage (ou non, pour les farines complètes), concassage et broyage plus ou moins fin (micronisation) selon la granulométrie finale des produits.

Les concentrés de protéines et de fibres de lupin sont obtenus par voie humide.

Du fait de leur teneur en caroténoïdes, ces ingrédients apporteront une couleur jaune au produit.

Leur contenu en protéines spécifiques et en phospholipides leur confère d’excellentes propriétés émulsifiantes, permettant de remplacer les protéines animales (caséinates, jaune d’œuf…). Tandis que leur teneur en fibres offre également une bonne capacité de rétention d’eau.

Microalgues

Les microalgues telles que la chlorelle ou la spiruline sont riches en protéines (40 à 70%) et contiennent 2 à 10% de fibres. Elles existent sur le marché sous forme de farines contenant de 50 à 65% de protéines, mais pas encore en bio. Nous n’avons de ce fait pas constaté d’utilisation de ces ingrédients protéiques dans les substituts de viande de notre enquête bio.

Synergie avec la matière grasse

L’ajout de matière grasse sous forme d’huiles végétales est fréquent dans la fabrication des simili carnés afin de rendre le produit plus juteux.

Les différents réseaux protéiques emprisonnent les gouttelettes lipidiques responsables de la jutosité et de l’onctuosité.

La matière grasse joue également le rôle d’exhausteur de goût puisqu’elle permet de fixer les arômes.

Utiliser les fonctionnalités des ingrédients texturants

Des ingrédients fonctionnels sont utilisés en complément des protéines végétales afin de renforcer l’imitation de la texture des produits carnés.

Chez Arlès Agroalimentaire, distributeur français d’ingrédients et d’additifs fonctionnels, Yann Bregeon explique notamment qu’il est intéressant de les associer à des fibres végétales qui vont donner de la mâche au produit, une structure fibreuse qui va retenir l’eau lors de la cuisson et maintenir l’humidité dans le produit. Le mélange protéines-fibres est déjà présent dans les farines texturées de soja ou de pois par exemple. Mais les fibres peuvent également être ajoutées séparément.

Les fibres d’avoine, de blé et de bambou disposent d’une longueur de chaîne assez importante. Le pouvoir de rétention d’eau des fibres varie pourtant selon leur origine. Les fibres d’avoine ont par exemple un pouvoir rétenteur un peu inférieur.

Pour cette raison, Yann Bregeon recommande donc d’utiliser différents types de protéines et de fibres dans les produits simili carnés. “La combinaison de protéines de soja et de blé permet par exemple de mieux conserver la forme du produit lors de la cuisson”.

Les ingrédients texturés de riz, de blé, de soja ou de lupin, obtenus par réhydratation et expansion de la farine, donnent du moelleux et du juteux au produit car ils imitent la texture du gras. Ils limitent également le rétrécissement du produit lors de la cuisson en évitant une perte d’eau trop importante.

Chez Meatless, fournisseur hollandais qui a mis au point ce type d’ingrédients, Christophe Castex indique que les texturés de riz sont les plus demandés. “La neutralité du goût et de la couleur permet de les utiliser dans de nombreuses applications. Ils donnent une texture plus moelleuse que les texturés de soja et ne présentent pas de risque allergène ou OGM”.

En effet, là aussi les caractéristiques des matières premières impactent les propriétés fonctionnelles et organoleptiques des ingrédients obtenus.

Grâce à leur couleur originelle et leur structure fibreuse, les texturés de lupin se rapprochent beaucoup du visuel et de la texture de la volaille. Un réel atout par rapport aux texturés de soja ou autres pois, dont certaines propositions restent décevantes par rapport au manque de texture fibreuse, ou au goût prononcé de la matière première qui nécessite d’être masqué. L’offre Meatless en texturés de blé s’élargit avec des propositions colorées afin de se rapprocher, par exemple, d’un visuel de viande cuite”, précise-t-il.

Les farines de céréales, de légumineuses ou les flocons de pomme de terre permettent essentiellement de capter l’eau et de la maintenir dans le produit.

Mais la structuration de simili carnés nécessite aussi souvent l’utilisation d’autres ingrédients tels que des amidons, ou additifs tels que des hydrocolloïdes.

Amidons et additifs texturants

Les amidons jouent le rôle d’épaississant ou de gélifiant et augmentent la viscosité du produit. Ils peuvent cependant nécessiter l’ajout d’additifs texturants en synergie.

La farine de graines de caroube retarde par exemple la rétrogradation des amidons et influence leur viscosité. L’association de galactomannanes et d’amidon forme ainsi des gels plus solides et stables.

Les gommes de guar et de caroube peuvent aussi agir en synergie avec la gomme xanthane. Cependant le résultat est différent : la synergie caroube/xanthane donne un gel ferme et élastique, tandis que la synergie guar/xanthane épaissit sans donner une gélification.

 

L’attrait du produit : travailler goût & couleur…

D’après notre enquête, deux positionnements existent pour le développement de produits simili carnés :

  • imiter le mode d’utilisation de la viande (“steak végétal”) et sa texture, sans copier son goût et sa couleur. Le produit a alors ses propres caractéristiques organoleptiques et le revendique sur l’emballage.
  • imiter le produit carné dans sa globalité. Des solutions aromatisantes et colorantes naturelles permettant d’imiter le goût et la couleur de la viande sont alors employées.

Aromatisation

Les consommateurs sont peu enclins à faire des concessions sur le goût. Selon Mintel GNPD, 2 Français sur 3 considèrent que les protéines animales ont un meilleur goût que les protéines végétales. La base végétale des simili carnés est généralement neutre en goût, permettant de jouer sur l’aromatisation pour pouvoir mieux se rapprocher du goût de viande.

D’après notre enquête, différents ingrédients aromatisants sont utilisés dans les substituts de viande bio, comme les extraits de levure, la sauce soja ou des épices. On y trouve en revanche peu ou pas d’arômes simulant les saveurs typiques carnées.

L’extrait de levure est utilisé en industrie agroalimentaire sous différentes formes (poudre, pâte ou encore liquide). Il s’obtient à partir de levures dégradées enzymatiquement.

La sauce soja est un ingrédient fermenté d’origine asiatique, composé essentiellement de soja, de blé (selon les pays), de sel et d’eau.

Ces deux ingrédients permettent de relever le goût des aliments, comme le ferait un bouillon de viande. Ils permettent la perception du goût umami et donnent une saveur proche de la viande sans denrée animale.

Les épices peuvent remplir à la fois le rôle d’arôme et de colorant. Il s’agit en général de celles utilisées pour les préparations carnées, permettant ainsi de rester proche du process de fabrication des produits carnés.

Autre procédé souvent utilisé pour les produits carnés, la fumaison. Sans donner un goût de viande à proprement parlé, la saveur fumée peut, par association, accentuer le lien avec les produits carnés.

Coloration

La couleur de la viande dépend de la proportion de fibres rouges, riches en myoglobine (protéine responsable de la couleur de la viande), et de fibres blanches. Dans les simili carnés, on retrouve des épices ou des denrées alimentaires colorantes telles que le paprika, la betterave, la tomate, le poivron rouge, rappelant la couleur d’une viande saignante ou d’une charcuterie.

 

… sans négliger le profil nutritionnel

D’après Mintel GNPD, 53% des Français estiment que les protéines végétales ont de meilleures qualités nutritionnelles. Pourtant, ils sont également sensibles aux allergènes (soja, gluten, lupin) et à la digestibilité (légumineuses).

La qualité des sources alimentaires protéiques est notamment définie par leur capacité à couvrir les besoins en acides aminés indispensables. Les protéines animales sont dites de haute qualité nutritionnelle car bien équilibrées en ces acides aminés. En revanche, certaines protéines végétales ont une teneur limitée en acides aminés indispensables : la lysine pour les céréales et les acides aminés soufrés pour les légumineuses. Leur aminogramme étant complémentaire, leur association permet de rééquilibrer les apports en acides aminés et de disposer de protéines complètes, mieux assimilables.

D’autre part, les vitamines et les minéraux d’origine animale sont fortement biodisponibles. Ce qui n’est pas forcément le cas de ceux d’origine végétale. Il est par exemple très difficile d’assimiler du fer d’origine végétale, contrairement au fer d’origine animale. Cette assimilation pourra cependant être améliorée par la présence de vitamine C.

Certaines vitamines, comme la vitamine B12 ou D, sont également plus rares dans les produits végétaux qu’animaux, créant un risque de carence si elles ne sont pas compensées.

En revanche, les produits végétaux apportent des fibres, complètement absentes de la chair animale et moins d’acides gras saturés, un atout dont nous avions expliqué l’importance dans notre dossier sur les légumineuses.

 


[1] Les protéines végétales de plus en plus convaincantes, Process alimentaire, sept. 2016, n°1339.


III- Etat du marché, lancements produits et perspectives d’évolution pour les substituts de viande bio

Innova HIE 2016 alternatives vegan

 

 

 

 

Un marché en plein essor

Le marché global des substituts de viande est estimé aujourd’hui à 3,8 milliards $ et devrait atteindre 5,17 milliards $ d’ici 2020, selon NutriMarketing.

Les spécialistes prévoient une croissance de 6,5% par an des ventes mondiales des substituts de viande[1].

Selon les enquêtes du Groupe d’Etude et de Promotion des Protéines Végétales (GEPV)[2], le chemin vers ce succès est facilité par la bonne réputation des protéines végétales auprès du consommateur français :

  • 93% pensent qu’elles sont bonnes pour la santé ;
  • 85% pensent qu’elles sont indispensables ;
  • 78% pensent qu’elles sont bonnes pour l’environnement.

Le marché des protéines végétales explose. Si aujourd’hui 70% des protéines consommées dans le monde sont encore d’origine animale, les experts estiment en revanche que les protéines végétales auront remplacé 75% des protéines animales d’ici 2050.

Et les intervenants du marché végétal ne le contredisent pas. Parmi les pionniers, Laurent Vondra, chez Sojami, reconnaît effectivement qu’il y a d’importantes perspectives de croissance pour les protéines végétales, que ce soit sous forme de jus, de protéines texturées ou de simili carnés…. “Les substituts de viande sont donc une réelle tendance de fond et non un effet de mode”, constate-t-il.

Et même si le tofu n’est pas un simili carné, cela reste le précurseur des alternatives végétales. “Chez nous, le volume des ventes de tofu lactofermenté a très fortement augmenté en 5 ans” précise-t-il.

 

Initialement représenté par des marques spécialistes telles que Soy, Céréal ou Wheaty, le marché est tellement dynamique que même en conventionnel, les acteurs majeurs de la viande ou de la grande distribution sortent à leur tour une gamme végétale. C’est par exemple le cas de Herta (Le bon Végétal), Fleury Michon (Côté Végétal), Le Gaulois (Végétal) ou des marques distributeurs Carrefour (Veggie), Système U (Bon végétarien) ou Auchan (Les végétariens)…

Côté bio, l’entreprise Nutrition et Santé était déjà connue pour ses galettes / palets végétaux Soy ou Céréal bio. Elle a lancé au SIAL 2016, sous sa marque Céréal, une gamme de substituts de viande en conventionnel (Grill Végétal) et prévoit de sortir très prochainement des références en bio. La gamme actuelle se compose de steaks, émincés, escalopes, nuggets et le dernier en date est un cordon bleu sans fromage ni jambon.

Et les premiers hachés végétaux (Sojade) sont apparus sur le marché dès 2015.

Avec “Aujourd’hui c’est veggie”, Bjorg étend aussi sa gamme de produits végétariens (galettes de céréales et palets de soja cuisinés notamment). La marque a également lancé des boulettes, des nuggets et des steaks hachés végétaux façon burger.

Les substituts de viande se positionnent sur la naturalité, et notamment le bio, la simplicité et la transparence des formulations, la praticité, la santé (teneur en protéines, matière grasse/cholestérol, calories, ration journalière de fruits et légumes, fibres).

Néanmoins, le marché des simili carnés reste encore un marché de niche. De plus, une perception négative du goût des alternatives aux produits carnés reste un frein important à leur consommation.

Des améliorations sont donc nécessaires pour séduire les consommateurs les plus sceptiques et les convaincre d’un point de vue organoleptique. Les consommateurs ont également besoin de se familiariser avec ces produits nouveaux. Et cela passe notamment par des références à ce qui existe déjà sur le marché. Pour Laurent Vondra, de chez Sojami, cette référence à la viande est nécessaire pour démocratiser ces produits que les consommateurs n’ont pas l’habitude de voir.

 

Des perspectives de développement intéressantes

Ce secteur a un large potentiel, notamment au niveau des techniques d’extraction des MPV. L’INRA de Nantes s’intéresse particulièrement aux interactions des protéines végétales entre elles et avec la matrice alimentaire par exemple.

D’autres sources protéiques pourraient également être envisagées pour les substituts de viande.

Les micro-algues, dont on a parlé en partie II, ont notamment été utilisées par la société belge conventionnelle Damhert, qui propose un steak végétal pané pour burger, à base de poudre de spiruline. En bio, cet ingrédient ne semble pourtant pas ou peu choisi pour les substituts de viande. Est-ce pour des raisons de disponibilité de la poudre de spiruline bio ?

Bien qu’ils soient traditionnellement consommés dans d’autres pays et plébiscités pour leur teneur en protéines, l’utilisation des insectes dans les produits alimentaires n’est pas encore autorisée en Europe.

En revanche, les mycoprotéines produites à partir du champignon Fusarium venenatum sont d’ores et déjà couramment utilisées par la marque britannique conventionnelle de substituts de viande Quorn (hachés, steaks, boulettes, saucisses, charcuterie…). Au Royaume-Uni, 21% des substituts de viande utilisent des mycoprotéines comme ingrédient protéique[3]. Mais peuvent-elles êtres disponibles en bio ?

Autre ingrédient protéique montant mais qui existe actuellement en bio, le Mopur®. A base de blé fermenté, il contient plus de 30% de protéines, peu de matière grasse et présente une structure fibreuse similaire à celle de la viande. Les entreprises italiennes Eurochef Italia et Sacla présentaient notamment au salon Biofach des produits bio à base de Mopur® : tranchés, rôti, lasagnes, ragoût végétaux…

Du côté des protéagineux, la luzerne, également riche en protéines comme les autres légumineuses, pourrait être une nouvelle perspective. Cette plante présente l’avantage d’être cultivée massivement en France et d’avoir un aminogramme proche de celui du lait. En revanche, elle apporte une couleur verte ainsi qu’un goût très prononcé.

Autre solution intéressante pour les substituts de viande : Triballat Ingrédients a lancé récemment Sojyfib®, un ingrédient texturant et nutritionnel élaboré à partir de graines de soja d’origine française, disponible en version bio.

Il présente le double avantage d’améliorer la texture et la qualité nutritionnelle du produit”, explique Philippe Fraudeau, responsable développement PAI.

En effet, il est riche en fibres insolubles (44%) et en protéines (30%), source de lipides insaturés (15%) et apporte 4% de minéraux (calcium, magnésium).

De plus, il présente un fort pouvoir de rétention d’eau et d’huile (1 volume de Sojyfib® capte près de 8 fois son volume en eau et près de 2 fois son volume en huile) ainsi que des propriétés émulsifiantes / liantes. Il apporte également de la tendreté et du moelleux au produit.

Pour les substituts de viande bio, la disponibilité des ingrédients protéiques en version bio est une contrainte supplémentaire, d’autant plus que le marché se développe fortement en conventionnel.

Chez Meatless, précurseur dans le domaine des ingrédients fonctionnels végétaux avec sa gamme de fibres texturées, les ventes augmentent fortement car de plus en plus de clients veulent faire des produits 100% végétal. “C’est surtout le cas sur les ingrédients conventionnels mais les références bio suivent la tendance”, précise Christophe Castex, responsable commercial de l’entreprise néerlandaise en France. L’entreprise envisage ainsi de nouveaux développements avec notamment une autre origine végétale pour ses texturés : le tapioca, qui aura des propriétés similaires au riz. L’offre sera tout d’abord conventionnelle mais une origine bio est à l’étude.

Le dynamisme du marché bio pousse cependant les fournisseurs à renforcer leurs gammes bio. Arlès Agroalimentaire, qui dispose en bio de protéines de blé (gluten), d’épeautre, de fibres d’avoine et d’amidon natif de pomme de terre, prévoit d’élargir sa gamme bio suite à l’augmentation des demandes client pour ces ingrédients alternatifs.

C’est d’ailleurs la tendance forte observée sur les salons, comme le témoigne notre dernière exploration au CFIA Rennes.

 


[1] Les protéines végétales de plus en plus convaincantes, Process alimentaire, sept. 2016, n°1339.
[2] Sources : Business insight – Global protein ingredient market by value, 2012-2018 – 2014. Etude GEPV / CSA – Perception des protéines végétales – 2014.
[3] Source : Mintel, 2011 – 2013.